Les nouveaux usages pour améliorer la qualité de vie dans les établissements de santé

Tribune parue sur Alliancy, le Mag Numérique et Business

 

A l’heure où la 6ème vague de Covid-19 due au variant Omicron semble s’installer durablement sur le pays, il y a fort à parier que la lassitude des soignants vis-à-vis de leurs conditions de travail revienne sur le devant de la scène : depuis le début de la crise sanitaire, 97% des professionnels font état d’une augmentation de leur souffrance au travail*. Un paradoxe pour des lieux dont la mission première est de soigner.

 

Dans cette quête d’une meilleure qualité de vie au travail des personnels de santé, médecins, infirmiers mais aussi administratifs ou services techniques, des leviers pourraient être trouvés si l’on considérait ces lieux comme ouverts sur leur environnement.

Car, à l’instar de ce que l’on a pu observer dans le tertiaire ou le retail, l’hôpital aussi vit une révolution culturelle. Zoom sur 3 nouveaux usages qui agitent les environnements de travail et qui pourraient être source d’inspiration pour des établissements de santé plus performants et bienveillants. Elodie Guet, Directrice Design & Build Paris du Groupe Kardham et Pascal Zératès, Directeur Général de Kardham Digital nous livrent leur analyse.

 

La co-construction source d’attractivité

 

Replacer le consom’acteur au cœur d’une économie désormais plus collaborative fait partie de ces usages. Tout comme les marques peuvent faire appel à leurs communautés pour lancer de nouveaux produits, l’hôpital de demain aurait tout à gagner à co-construire ses environnements de travail en s’appuyant sur sa communauté de collaborateurs-ambassadeurs. En mettant en œuvre des programmes expérimentaux où le collaborateur pourrait faire des retours d’expérience pour faire évoluer ces espaces au fil du temps ou encore en les dématérialisant et en proposant une plus large palette de services utilisateurs. On pourrait ainsi envisager une transposition de ce qu’on appelle en aménagement de bureaux « l’activity based working », autrement dit, la possibilité pour le personnel de redéfinir les espaces dans lesquels il souhaite travailler en fonction de ses besoins propres et des activités de chacun : des espaces de convivialité communs, des quartiers pour petits groupes de travail, des espaces établis pour les projets collaboratifs ponctuels, des alcôves pour s’isoler et travailler de manière individuelle ou encore des espaces de bien-être pour se reposer.

Des réponses existent aussi du côté du digital pour gagner en fluidité, en efficacité, et donc en qualité de vie au travail : des solutions de comptage et de suivi des flux de patients et de professionnels dans les zones d’entrées, les services, les salles d’attente, les parkings ; des solutions de réservation de ressources et de gestion de l’occupation des salles de soins, des salles de consultation et des salles de repos ; des solutions interactives pour mieux orienter et enregistrer ; pour mieux informer en temps réel également comme les boutons d’alerte, pour mieux communiquer comme les forums d’échanges et de discussion, ou encore pour mieux former. Autant d’innovations déjà à l’oeuvre avec succès dans le tertiaire, sources de gain de temps et de diminution des irritants et donc du stress.

 

L’inclusion pour créer de l’appartenance

 

L’émergence d’une société se voulant plus inclusive comme on a pu le voir avec une réinvention des codes de la famille ou un plus grand attachement aux interactions transgénérationnelles, pourrait bien être également source d’inspiration. Dans les métiers de l’aménagement, à côté de l’organisation des environnements de travail suivant le modèle d’activity based working, on a aussi vu que l’intensification du télétravail a favorisé la revalorisation des lieux de travail comme véritables lieux de vie avec un enjeu fort : passer de l’open space à l’happen space. Des espaces à la fois plus ouverts, plus larges, invitant à une plus grande sociabilisation et permettant des moments de partage. Dans les établissements de santé, on pourra aussi utiliser l’espace comme outil de transformation organisationnelle, comme vecteur de qualité de vie au travail.

Cela peut passer par des solutions mobiliers et digitales pour moduler et flexibiliser les modes de travail et offrir, au sein de l’ensemble commun, un « chez-soi pour tous ». Un levier essentiel lorsque l’on sait que l’un des problèmes majeurs des personnels soignants tient à l’équilibre précaire entre leurs vies professionnelle et personnelle.

Cela peut également passer par une plus grande hybridation des lieux avec, du côté du digital, de nombreuses solutions pour inclure et accompagner le personnel dans un écosystème multiple : des plateformes de services santé en téléconsultation, des plateformes de webinars de formation ou de développement personnel, des services de conciergerie en un clic pour alléger le quotidien, des applis de QVT, des outils pour prévenir la charge mentale, etc.

 

Travailler, se ressourcer et se revitaliser !

 

Le nouveau rapport à l’espace et au temps observé depuis quelques années dans nos sociétés fait aussi partie de ces usages qui pourraient être transposés en santé. En témoignent, dans les environnements de travail, mais pas que ! l’émergence d’univers insulaires offrant des expériences différenciantes ou encore la création de bulles propices à la déconnexion et à la revitalisation. De manière générale, l’idée ici est d’offrir à l’utilisateur une meilleure expérience au fil de son parcours de vie ou de travail, dans des lieux qui l’invitent à se connecter et/ou à se déconnecter complètement de son environnement immédiat. Dans l’immobilier tertiaire, cela se concrétise par une plus grande demande pour des espaces dépaysants, ouverts vers l’extérieur, des espaces dedans-dehors qui vont jusqu’à offrir une parenthèse poétique avec cette volonté toujours plus forte de créer des moments de partage privilégiés, d’apporter plus de confort, plus de tranquillité et plus de fluidité dans un cadre agréable. Le tout permettant de contribuer ainsi à un plus grand bien-être et donc à une meilleure prise de décision.

Dans les établissements de santé, cette transposition permettrait de de retrouver une certaine sérénité dans des lieux qui ne seraient ni froids, ni neutres, ni aseptisés. Un appel à la déconnexion auquel le digital peut, par ailleurs et paradoxalement, lui aussi contribuer. En témoignent ainsi la création d’espaces proposant des expériences d’immersion sonore et visuelle pour promouvoir la détente et relaxation. Les personnels de santé ont en effet besoin d’espaces leur permettant de déconnecter, de retrouver de l’énergie, de se reposer, voire de dormir, beaucoup étant en horaires décalés. Des lieux qui leur permettent aussi de recevoir des cours de gestion du stress, des émotions ou de la fatigue physique et mentale. Il existe de multiples technologies et techniques permettant d’accéder à ces outils de revitalisation. Ces espaces, combinés avec des programmes digitaux véritables coachs bien-être on-line, favorisent un accompagnement au plus près des besoins de santé physique et mentale des professionnels de santé pour une meilleure prévention des troubles musculo–squelettiques (TMS) ou encore des risques psychosociaux (RPS).

Des environnements digitalisés donc, qui peuvent être proposés aux patients mais aussi aux professionnels pour qu’ils réapprennent à prendre soin d’eux pour mieux prendre soin des autres. Un élément essentiel dans la quête d’un hôpital plus flexible, ouvert et apaisé. En gardant, toujours en ligne de fond, deux invariables : sobriété et écoute des besoins.

*Enquête menée en ligne par l’association Soins aux professionnels de la santé (SPS) auprès de 1877 soignants